Mickaël Marteau chargé de prog !
Autrice : Aude O | Crédits photo : Co. photographi – Antoine Lavergne
À l’occasion des 20 ans de Terres du Son, nous avons rencontré Mickaël Marteau, chargé de la programmation et de la production. Il revient avec nous sur son parcours, les coulisses du festival et la philosophie derrière la programmation.

Peux-tu te présenter et expliquer ton rôle au sein du festival ?
Je m’appelle Mickaël Marteau. J’ai d’abord commencé en programmant le village et la scène du chapiteau. À l’époque, je faisais aussi partie de la commission de programmation des grandes scènes, mais je n’étais pas en lien direct avec les agences de production. Depuis l’édition 2024, je gère désormais l’ensemble de la programmation artistique du festival.
Comment jongles-tu entre les têtes d’affiche, les découvertes, la scène locale et la diversité musicale ?
C’est un vrai jeu d’équilibriste, qui se construit sur plusieurs temporalités. On commence toujours par travailler les têtes d’affiche — d’ailleurs, je suis déjà en train de bosser sur celles de l’édition 2026.
Une fois que la tête d’affiche donne la tonalité musicale d’une journée, on essaye de conforter cette ambiance, tout en y ajoutant des touches qui préservent l’identité du festival. Une identité qu’on façonne depuis maintenant 20 ans.
Quelle place accordes-tu à la scène émergente et locale ?
C’est très important pour nous. Entre 30 et 40 % de la programmation vient de la région Centre, que ce soit sur la Prairie ou au Village. C’est une vraie volonté de soutenir les artistes locaux.
L’engagement écoresponsable du festival influence-t-il tes choix artistiques ?
Pas directement. Ce n’est pas un critère artistique en soi, mais les valeurs de l’association, elles, nous guident beaucoup.
Par exemple, sur les questions de VHSS (violences, harcèlement sexiste et sexuel), on est très vigilant. Certains artistes peuvent être écartés si leurs paroles ou comportements ne sont pas en accord avec nos valeurs.
Cherches-tu à programmer des artistes engagés ou partageant les valeurs écoresponsables du festival ?
Ce n’est pas une obligation, mais c’est toujours un plus quand ça se présente naturellement. Cela dit, il y a une vraie tension entre l’écoresponsabilité et la réalité des tournées d’artistes, notamment internationaux.
Par exemple, on a décidé de proscrire les trajets en avion pour les artistes que l’on programme. C’est un premier pas. La majorité de nos artistes viennent en tourbus, ce qui permet de rationaliser les déplacements. Mais on reste tributaires de leurs tournées, de leurs “routings”. Ce sont des contraintes sur lesquelles on n’a pas encore beaucoup d’impact, même si on y travaille, notamment en lien avec d’autres festivals.
Tu travailles déjà sur l’édition 2026. Mais pour cette édition spéciale des 20 ans, qu’as-tu voulu raconter dans la programmation ?
On y réfléchissait depuis un moment. On voulait une programmation spéciale, qui rende hommage aux 20 dernières années.
Le premier artiste annoncé, c’était Tiken Jah Fakoly, parce qu’il était là dès la première édition. C’était symboliquement très fort. Le deuxième, c’était -M- (Matthieu Chedid), qu’on voulait depuis longtemps. Il était là pour les 10 ans, et pour moi, c’est un des concerts les plus fidèles aux valeurs du festival.
Ensuite, on a glissé des clins d’œil à d’anciennes éditions, en diversifiant les styles pour refléter l’histoire musicale du festival. Pour 2026, j’aurai plus de liberté. Ce sera un peu une page blanche à réécrire.

Y a-t-il des artistes que tu rêvais de faire venir depuis longtemps et qui sont enfin là cette année ?
Oui, Lamomali. Ça faisait deux ans qu’on essayait. Ça n’avait pas pu se faire l’année dernière, mais on est très heureux que ça tombe pile pour les 20 ans.
As-tu glissé d’autres clins d’œil aux premières éditions ?
Oui ! Par exemple, au Village, on a laissé une carte blanche au Nasrock Circus. C’est une compagnie de cirque qui a marqué près de 10 éditions dans les premières années du festival. Tout le monde n’a pas forcément perçu la référence, mais pour nous, c’était un hommage fort de leur laisser carte blanche avec plusieurs spectacles par jour.
Quel est le moment scénique que tu n’oublieras jamais à Terres du Son ?
Je suis souvent un peu à fleur de peau pendant le festival, alors il y a pas mal de moments forts… Mais je crois que celui qui m’a le plus marqué, c’est quand Vianney a fait monter sur scène le groupe Star Feminine Band, qu’il avait rencontré en coulisses. C’était simple, sincère et très touchant.
As-tu vu une évolution des goûts du public ces dernières années ?
Oui, clairement. Le public évolue, et ses attentes aussi. On sent qu’on arrive à un moment charnière où les festivals vont devoir s’adapter. On ne pourra plus se contenter de reproduire les recettes du passé.
Y a-t-il un ou une artiste que tu n’as pas encore réussi à faire venir, mais que tu espères toujours programmer un jour ?
Oui, Damon Albarn. On a essayé avec Blur, mais ils ne tournent plus ensemble. Maintenant, notre rêve, ce serait d’accueillir Gorillaz. Je ne sais pas si ce sera possible… mais on ne lâche pas l’affaire !
Enfin, que dirais-tu aux personnes qui ont découvert Terres du Son il y a 20 ans, et à celles qui le découvrent aujourd’hui ?
Ce que je trouve beau dans un festival, c’est qu’on vient souvent pour un artiste… et qu’on en découvre quatre autres. Ça vaut pour Terres du Son, comme pour d’autres festivals.
Moi le premier, quand je vais à Aucard de Tours, je tombe sur des artistes que je ne connaissais pas, et c’est ça qui est magique. Alors, sans vouloir faire la morale : restez curieux !
